De nombreuses recherches sur la conservation de la nature dans les régions déchirées par la guerre se concentrent sur l’impact destructeur des conflits violents sur les zones protégées et soutiennent que les acteurs transnationaux devraient intensifier leur soutien à ces zones afin d’atténuer les risques que les conflits font peser sur les efforts de conservation. Les effets des efforts transnationaux sur la dynamique des conflits et les structures de l’autorité publique dans ces régions sont négligés. Cet article décrit comment les acteurs transnationaux ont de plus en plus gagné en influence sur la gestion du Parc National des Virunga dans l'est de la République Démocratique du Congo (RDC), et comment ces acteurs ont contribué à la militarisation de la conservation dans les Virunga. La plupart des publications scientifiques suggèrent que la « militarisation verte » contribue à l'extension de l'autorité de l'État sur le territoire et la population, mais ce n'est pas le cas dans les Virunga. Au lieu de cela, la militarisation des Virunga se traduit par des pratiques de territorialisation extra-étatique, avec pour résultat qu'une grande partie de la population locale perçoit la gestion du parc comme un projet de gouvernance personnalisée et/ou un « État dans l'État ». Cet article soutient donc qu'il est important de s'écarter d'une notion a priori d'« État » lorsqu'on considère le lien entre les pratiques de conservation et la territorialisation, et d'analyser cette intersection à travers le prisme de l'autorité publique.
Article de revue