Les récentes guerres en RDC ont conduit à une recrudescence marquée des discours et de la violence à la fois élitistes et populaires autour de l’appartenance et de l’exclusion, exprimés à travers le langage vernaculaire de « l’autochtonie ». Dangereusement flexible dans sa politique, nerveuse et paranoïaque dans son langage, détachée de toute spécificité géographique ou ethnoculturelle, empruntant son énergie à la fois aux conflits actuels et aux mythologies profondément enracinées du passé, l'idée d'autochtonie a permis des cas de violence relativement localisés dans le passé. La RDC s’inscrit vers le haut dans des logiques régionales, voire continentales, avec des implications dangereuses pour l’avenir. Cet article analyse comment la dualité « local »/« étranger » de l’autochtonie/allochtonie s’exprime en RDC à travers des rumeurs, des tracts politiques et des discours et comment elle puise son énergie dans des chevauchements imprécis avec d’autres polarités identitaires puissantes et préexistantes à des échelles identitaires particulières. et différence : local, provincial, national, régional. Dans chacun d’eux, l’autochtonie fonctionne comme un qualificatif vague, un opérateur binaire : l’autochtonie est un adjectival, relationnel plutôt qu’absolu, contrôlant une distinction entre l’intérieur et l’extérieur, et pourtant n’indiquant pas, en soi, quelle distinction entre l’intérieur et l’extérieur est voulue. Ainsi beaucoup parlent de « Fils de la Terre », mais de quelle terre, précisément ? Le caractère glissant entre les différentes échelles de signification permet au locuteur de laisser ouvertes de multiples interprétations. Cette indétermination est la source paradoxale de la force et de la faiblesse, de la souplesse et de la nervosité du discours, de son climat déclaratif et de la paranoïa qui l'accompagne.