Cet article examine la controverse autour du vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) en Grande-Bretagne à travers le prisme de la théorie du mouvement social et des études sociales des sciences. Depuis le début des années 1990, des réseaux de parents ont soulevé et mobilisé leurs inquiétudes selon lesquelles le ROR déclenchait chez leurs enfants une maladie particulière liée à l'autisme et aux problèmes intestinaux, et ont été soutenus en cela par certains scientifiques. Dans le débat très médiatisé et très public qui a suivi, ils ont remis en question les perspectives et les institutions établies dans les sciences biomédicales et dans les politiques de santé publique. Alors que de nombreux débats politiques et publics ont rejeté leurs préoccupations comme étant fondées sur l’émotion, la désinformation ou la « science indésirable », cet article les situe dans le cadre d’une science citoyenne fondée sur l’expérience parentale.

Il suit l’évolution du cadre et des stratégies de mobilisation parentale autour du ROR, en relation avec une contre-mobilisation croissante de la part des scientifiques, des décideurs politiques, des professionnels de la santé et des journalistes remettant en question leurs affirmations. Il soutient que la controverse implique des sciences différemment encadrées (cliniques ou épidémiologiques) liées à des engagements politiques différents (préoccupations personnelles et droits des parents en tant que citoyens-consommateurs vs notions de santé publique). Chaque camp a néanmoins utilisé des stratégies similaires pour déployer la science, exposer l'économie politique de la science de l'autre et travailler à travers les médias. Ces différences de cadrage et ces similitudes de stratégie sont importantes pour comprendre pourquoi le débat est devenu si passionné et polarisé, et pourquoi il n’a pas réussi à se conclure. Mots-clés : citoyens, science, mobilisation, vaccination, ROR