Les termes évocateurs décrivant le viol comme une « arme de guerre » sont devenus monnaie courante. Bien que politiquement importante, une trop grande importance accordée aux aspects stratégiques des violences sexuelles en temps de guerre peut être trompeuse. D'autres explications tendent à considérer le viol soit comme exceptionnel – une rupture avec les relations sexuelles « normales » – soit comme faisant partie d'un continuum de violence sexiste. Cet article montre comment, même en temps de guerre, les normes ne sont pas suspendues, ni simplement maintenues. La guerre change le paysage moral.

S’appuyant sur une recherche ethnographique menée sur dix ans dans le nord de l’Ouganda, cet article plaide en faveur d’une resexualisation de la compréhension du viol. Il postule que les mœurs sexuelles sont essentielles pour expliquer la violence sexuelle et que les normes sexuelles – et les transgressions – varient en fonction des espaces moraux dans lesquels elles se produisent. Chez les Acholi, les espaces moraux ont des dimensions temporelles et spatiales qui contribuent à expliquer l’apparition de certaines formes de violence sexuelle et la rareté d’autres.