La variole du sérogroupe B est une urgence de santé publique de portée internationale, et les cas de variole du sérogroupe B ont augmenté en Afrique. La question de la transmission de la variole du sérogroupe B par contact sexuel est un domaine d’intervention important pour lutter contre la propagation transfrontalière, façonner la communication sur les risques et l’engagement communautaire, et encourager la recherche de soins et la vaccination. Cependant, plusieurs défis nécessitent une attention particulière. D’une part, on s’inquiète de savoir comment mieux délimiter la charge de morbidité et clarifier qui est le plus à risque. D’autre part, des questions importantes se posent sur la façon de définir le risque de maladie et sur la façon d’éviter une discrimination accrue envers les groupes stigmatisés, notamment ceux qui sont confrontés à des environnements juridiques hostiles au travail du sexe et aux relations entre personnes de même sexe.
Dans le contexte de ces défis, la Plateforme des sciences sociales dans l'action humanitaire (SSHAP) a organisé le 13 septembre 2024 une réunion en ligne pour discuter :
- Problèmes de variole et de discrimination dans les milieux africains ;
- Réponses opérationnelles aux mpox qui sont contextuellement sensibles.
Ce rapport résume les contributions des intervenants (listés ci-dessous) et des participants.
Comment le mpox peut-il être encadré de manière à ne pas exacerber la discrimination ?
Mise à jour sur la recrudescence des cas de MPOX au 13 septembre 2024
L'Organisation mondiale de la santé a déclaré le 14 août 2024 que le virus MPO constituait une urgence de santé publique de portée internationale. Ces dernières années, les cas de MPO ont augmenté en Afrique, tant en raison de la transmission zoonotique que de la transmission interhumaine. Les deux clades 1 et 2 du virus MPO sont liés à la propagation par diverses formes de contact étroit avec une personne infectée, y compris diverses formes de contact sexuel.
En 2022, le clade 2 a provoqué une épidémie dans plusieurs pays. Dans les pays où le mpox n'est pas endémique, l'épidémie a notamment été associée aux hommes gays, bisexuels et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (GBMSM). Actuellement, les clades 1 et 2 sont tous deux liés à des épidémies de mpox sur le continent africain, avec un nombre important de cas du clade 1 en République démocratique du Congo (RDC). Le taux de mortalité le plus élevé est notamment observé chez les enfants.
Une nouvelle souche virale – clade 1b – a été identifiée l’année dernière dans l’est de la RDC, dans des régions minières où les rapports sexuels transactionnels font partie des moyens de subsistance. La clade 1b s’est récemment propagée dans les pays voisins où la mpox n’était pas présente auparavant, ce qui a entraîné une stigmatisation des travailleurs du sexe et des chauffeurs de camion. Il existe peu de données sur la charge de morbidité de la maladie à mpox chez les hommes homosexuels homosexuels liés à la clade 1b. Une épidémie simultanée de clade 2b en Afrique du Sud a été liée aux réseaux d’hommes homosexuels homosexuels homosexuels et est particulièrement grave chez les personnes atteintes du VIH. Des différences dans les taux de mortalité apparaissent dans divers contextes. Des cas plus sporadiques de clade 1b ont également été observés en Suède et en Asie.
Dimensions sociopolitiques
Dans de nombreux pays africains, les lois héritées de l’époque coloniale criminalisent les relations entre personnes de même sexe. Ces dernières années, la criminalisation s’est encore renforcée dans de nombreux pays. Les cadres juridiques restrictifs ont un impact sur la santé et les soins de santé. La mise en œuvre de ces lois varie – elles sont fortement appliquées en Ouganda, par exemple. Certains gouvernements ont instrumentalisé les mouvements de défense des droits LGBTQIA+ pour se positionner comme résistants aux valeurs occidentales importées et pour renforcer les identités nationales. Ce contexte juridique et sociopolitique a eu des répercussions sur la manière dont nous parlons des « groupes à risque » en matière de santé publique. Dans le domaine des programmes de lutte contre le VIH, nous avons donc constaté que l’accent était mis sur la santé plutôt que sur les droits et/ou les arguments identitaires. Ces approches ont fonctionné dans certains cas, mais il existe un risque de réaction négative pour les minorités sexuelles ; par exemple, si les personnes appartenant à une minorité sexuelle sont considérées comme des propagateurs de maladies. Les efforts visant à atteindre les personnes appartenant à des groupes minoritaires doivent tenir compte du fait que les personnes peuvent s’attendre à être confrontées à des discriminations, y compris dans les établissements de santé. Les professionnels de santé des pays où l’environnement juridique est restrictif peuvent penser qu’ils doivent signaler les hommes gays et bisexuels. Il est important d’améliorer les connaissances sur les obligations des professionnels de santé afin que les personnes puissent accéder aux soins en toute sécurité.
Cadrages Mpox, récits de blâme et d'altérité
Bien que la MPOX existe depuis des décennies, l’accent mis sur la maladie comme étant sexuellement transmissible a commencé à dominer en 2022 en Europe et en Amérique du Nord. L’image sexualisée de la MPOX et les interventions de santé publique ciblées peuvent conduire à la stigmatisation et à la discrimination. L’utilisation d’un langage différentiant tel que la « population au sens large », implicitement formulée en contraste avec d’autres catégories, telles que les LGBTH ou les travailleurs du sexe, est néfaste. En outre, nous devons prêter attention à l’impact émotionnel de la stigmatisation et promouvoir des récits positifs sur le traitement et la guérison. Il est important de prendre en compte les facteurs structurels, qui limitent la capacité des personnes à suivre les conseils de santé publique, afin de passer d’un discours de blâme à un discours d’empathie.
Comment les messages peuvent-ils être coproduits par les personnes les plus exposées au risque de mpox, et comment les organisations et les prestataires de confiance peuvent-ils participer à la communication des risques et à l'engagement communautaire ?
Tensions entre le ciblage des « groupes à risque » et l’exacerbation de la stigmatisation
Il existe une tension entre la focalisation sur les « groupes à risque » et l'exacerbation de la stigmatisation de certains groupes. D'un côté, il y a une il faut tenir compte des vulnérabilités particulières de certains groupes, tel que:
- Les femmes en RDC qui sont fréquemment confrontées à la discrimination et qui risquent de subir des violences sexuelles, encore très répandues ;
- Les travailleuses du sexe sont stigmatisées ;
- Des groupes de personnes moins visibles se livrent également à des relations sexuelles transactionnelles.
Cependant, d’un autre côté, il y a une il faut être prudent avec le récit de la transmission sexuelle du mpox pour que cela ne se produise pas :
- Éviter les autres voies de transmission ;
- Associer de manière disproportionnée la maladie aux personnes déjà confrontées à la discrimination et à la criminalisation.
Il est crucial de savoir comment faire en sorte que les bons messages parviennent aux bonnes personnes. Ces messages doivent également être acceptables pour les personnes dans le besoin et les encourager à rechercher des soins appropriés. Les patients malades peuvent être victimes de discrimination et de stigmatisation dans les établissements de santé, avec des conséquences catastrophiques : il y a quelques années au Nigéria, un patient atteint de MPOX s'est suicidé dans un milieu hospitalier après avoir établi un lien avec les relations homosexuelles et la transmission du virus. Il existe des tensions entre « ciblage » et « bouc émissaire » qu'il faut gérer. En outre, l'accent mis sur la transmission sexuelle – en particulier sur les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleurs du sexe et, dans certains contextes, les chauffeurs routiers – signifie que d'autres groupes sont négligés, notamment les enfants et les personnes vivant avec le VIH.
Coproduction et localisation des messages et des actions
Des tensions sont observées dans les contextes africains entre la formulation de messages qui n’isolent pas des groupes spécifiques et la nécessité de s’assurer que les plus vulnérables et les plus à risque sont atteints et reçoivent des soins inclusifs. La coproduction de messages et d’interventions par les communautés et des organisations locales de confiance est essentielle pour surmonter ces tensions. Par exemple :
- Les femmes jouent un rôle actif dans les activités minières en RDC et sont souvent organisées professionnellement pour défendre leurs droits et améliorer leurs conditions de travail. Ces efforts pourraient-ils être renforcés par des interventions de mpox, en supposant qu'une organisation de base serait en mesure d'accéder aux femmes qui se livrent à des relations sexuelles transactionnelles/commerciales, souvent parallèlement à d'autres activités minières ?
- Existe-t-il des initiatives, telles que des approches de sensibilisation par les pairs dans les programmes de lutte contre le VIH parmi les personnes qui ont des rapports sexuels transactionnels/commerciaux ou pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, qui pourraient fournir des enseignements précieux pour la réponse au mpox ?
Au Burundi, des données récentes issues de milieux où le nombre de cas de mpox est élevé suggèrent que les travailleuses du sexe interrogées voulaient en savoir plus sur la manière de se protéger du mpox, tout en reconnaissant qu’elles n’ont peut-être pas le pouvoir de refuser d’avoir des rapports sexuels avec des clients si elles-mêmes ou leur client sont contaminés par le mpox. Il est donc essentiel de s’engager directement auprès des travailleuses du sexe pour comprendre les limites de la traduction des connaissances sur le mpox en comportements dans des contextes d’injustice structurelle.
De même, d’autres facteurs structurels entravent la possibilité de réduire les contacts physiques pour de nombreuses personnes, et il convient d’en tenir compte. Il est également essentiel de s’engager dans la prévention auprès des enfants, en particulier à l’approche de la rentrée scolaire en RDC en septembre.
Que peut-on apprendre de la réponse au VIH et quelles sont les similitudes et les différences à prendre en compte avec le mpox ?
Intersectionnalité
En tant que chercheurs et praticiens, nous pouvons envisager de tirer des enseignements du VIH et de la COVID-19, tout en reconnaissant les différences sous-jacentes avec le mpox. Le VIH nous apprend l’importance des questions contextuelles, en particulier sous l’angle de l’intersectionnalité, qui met en évidence la manière dont le statut socio-économique, le sexe et d’autres caractéristiques façonnent cumulativement les expériences vécues des maladies. Cependant, la discussion s’est centrée sur les répercussions de la présentation du mpox comme une infection sexuellement transmissible. Il est également essentiel de prendre en compte les voies de transmission autres que le contact sexuel. Une approche collaborative est indiquée pour éviter d’exclure les communautés, et les approches collaboratives de l’engagement communautaire doivent être prioritaires. Pour atteindre les communautés marginalisées, le message doit être approprié et délivré par des messagers de confiance. La coproduction de messages avec les personnes concernées est le scénario idéal.
Défis à relever pour garantir que les personnes qui recherchent des soins les reçoivent
Il est essentiel de fournir des soins aux personnes présentant un risque plus élevé de contracter une MPOC grave, comme les personnes atteintes du VIH non traitées. Cependant, attirer trop l’attention sur un groupe particulier peut avoir des effets néfastes et exacerber la stigmatisation. Les pairs éducateurs ont un rôle à jouer pour arbitrer les mesures de santé publique. Certains pairs éducateurs sont formés et pourraient bénéficier d’une formation de recyclage. Une approche inclusive des soins de MPOC peut garantir que toutes les personnes concernées puissent accéder aux services. Cela pourrait nécessiter de former les professionnels de santé qui pourraient être mal informés sur les environnements juridiques et sur la manière dont ceux-ci se rapportent au droit à la santé et à la confidentialité.
Quelles questions éthiques se posent en ce qui concerne les groupes stigmatisés, alors que les chercheurs cherchent à mieux délimiter la charge de morbidité et les voies de transmission ?
Encadrement de la maladie
La présentation de la maladie dans les messages de santé ne doit porter préjudice à personne. Les cadrages de recherche issus des milieux à revenu élevé pourraient avoir des implications différentes dans les milieux africains. Il faut veiller à ce que les discours de culpabilité ne soient pas renforcés. Cette considération devrait également s'étendre à la recherche axée sur les « populations clés ». L'incertitude liée aux fardeaux de la maladie dans différents milieux exacerbe ces défis, mais il faut tenir compte de la possibilité de fardeaux « invisibles » et éviter de trop ou de trop peu étudier les différents groupes touchés. On craint que la recherche sur les enfants ne reçoive moins d'attention, ce qui contribuerait à un manque de connaissances.
L'éthique est une question d'équité
Il est important de considérer les implications des messages selon lesquels « nous sommes tous dans le même bateau ». Comme l’a dit César Atuire, « certaines [personnes] sont en première classe ». Ces inégalités ont été observées pendant la COVID-19, où les discours inclusifs ne se sont jamais traduits par une équité vaccinale. L’inégalité vaccinale est à nouveau une caractéristique de la réponse mondiale au mpox. Les populations clés des pays africains ont indiqué avoir besoin de vaccins contre le mpox et ont exprimé leur inquiétude quant au fait que les gouvernements pourraient ne pas donner la priorité à l’accès.
Il est essentiel d’interagir avec des personnes ayant des points de vue opposés aux points de soins pour lutter contre la stigmatisation des soins de santé. Cela signifie que les chercheurs et les praticiens doivent s’engager auprès de personnes avec lesquelles ils ne sont pas nécessairement d’accord et prendre leurs convictions au sérieux.
Les éthiciens et les spécialistes des sciences sociales doivent être impliqués sur le terrain mettre l’accent sur des réponses de santé publique équitables qui tiennent compte des contraintes structurelles. La recherche doit s’engager auprès des communautés locales et veiller à ce que les priorités abordées soient les leurs et pas seulement celles des chercheurs.
Participants
Chaise: Hayley MacGregor (IDS)
Avec: Godefroid Muzalia (Bukavu, République Démocratique du Congo), Hub SSHAP Afrique de l'Est et Centrale
Intervenants :
César Atuire (Université d'Oxford et Université du Ghana)
Rose Bashwira (Université Catholique de Bukavu)
Rachel James (UNICEF – Service collectif)
Samuel Matsikure (Aidsfonds Pays-Bas)
Alex Muller (Charité Berlin et Université du Cap)
Richard Lusimbo (Consortium sur les populations clés)
Adesola Ogunleye (Centre nigérian de contrôle et de prévention des maladies)
Jean-Claude Udehemuka (Université du Rwanda – Réseau mondial de santé du Rwanda)
Annie Wilkinson (IDS)
Rapporteur : Diane Duclos (LSHTM)
Auteurs: Ce rapport a été rédigé par Diane Duclos et Hayley MacGregor.
Remerciements : Annie Wilkinson a contribué à l'élaboration du rapport. Il reflète les discussions qui ont eu lieu lors de la réunion en ligne et nous tenons à remercier tous ceux qui y ont participé pour leur contribution. Ce rapport relève de la responsabilité de SSHAP.
Citation suggérée : Duclos, D. et MacGregor, H. (2024). Rapport de réunion : Mpox et discrimination dans les contextes africains. Sciences sociales dans l'action humanitaire (SSHAP). www.doi.org/10.19088/SSHAP.2024.047
Publié par l'Institut d'études sur le développement : Octobre 2024.
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À propos de SSHAP : Le Social Science in Humanitarian Action (SSHAP) est un partenariat entre le Institut d'études sur le développement, Anthrologie , CRCF Sénégal, Université de Gulu, Le Groupe d'Etudes sur les Conflits et la Sécurité Humaine (GEC-SH), le École d'hygiène et de médecine tropicale de Londres, le Centre de recherche urbaine de la Sierra Leone, Université d'Ibadan, et le Université de Juba. Ce travail a été soutenu par le Bureau britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement (FCDO) et Wellcome 225449/Z/22/Z. Les opinions exprimées sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles des bailleurs de fonds, ni les opinions ou politiques des partenaires du projet.
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